Homélie du 24ème dimanche du temps ordinaire.
Abbé Jean Compazieu | 6 septembre 2020PARDONNER 70 FOIS SEPT FOIS
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Ces trois dernières semaines les textes bibliques nous ont parlé de la vie fraternelle et communautaire. En ce dimanche, ils insistent sur la nécessité du pardon. Pardonner à ceux qui nous ont fait du mal, c’est contraire à la mentalité du monde. Nous le constatons tous les jours : “Une fois, ça passe ; deux fois ça lasse ; trois fois ça casse.” C’est ce qui se dit très souvent mais c’est absolument contraire au message de la Bible.
Bien avant la venue de Jésus, Ben Sirac écrivait : “Rancune et colère, voilà des choses abominables où le pécheur s’obstine”. Ce texte de l’Ancien Testament nous appelle à dépasser le cercle vicieux de la haine et à entrer dans la spirale montante du pardon et de l’amour mutuel. Ces paroles nous rejoignent dans une société qui pratique la vengeance contre eux qui nous ont fait du mal. Oui, bien sûr, il y avait la loi du Talion : “œil pour œil, dent pour dent” ; mais c’était déjà un progrès car cette loi limitait la vengeance. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de la limiter mais de la refuser jusqu’au bout.
C’est ce que nous découvrons avec l’Évangile de ce jour ; Pierre pensait être généreux en pardonnant jusqu’à sept fois. Sept est un chiffre qui symbolise la totalité. Mais dans son propos, Pierre reste encore dans la logique comptable. Jésus va bien plus loin : il multiplie à l’infini le devoir de pardonner : pardonner jusqu’à “70 fois sept fois” veut dire pardonner encore et toujours pour chacune des offenses ; ce que Jésus nous demande, il l’a vécu jusqu’au bout : livré aux mains des hommes, il a été bafoué, torturé et mis à mort sur une croix. Mais il a pardonné. Lui seul peut nous donner le courage d’aller jusqu’au bout.
Ils sont nombreux ceux et celles qui l’ont suivi sur ce chemin : je pense à cet homme qui écrivait : “Il nous faut pardonner ; c’est la seule attitude qui convienne à des chrétiens.” Il parlait de celui qui l’avait dénoncé pour aller en camp de concentration. Malgré les horreurs qu’il y a vécues, il a eu le courage de pardonner. En agissant ainsi, il a suivi l’exemple du Christ.
Pour mieux se faire comprendre, Jésus nous raconte une parabole. Il compare Dieu à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs. On lui en amène un qui devait dix mille talents (soixante millions de pièces d’argent). C’est une somme énorme, absolument impossible à rembourser ; en nous racontant cette parabole, Jésus veut nous faire comprendre où nous en sommes vis à vis de Dieu : la démesure de cette dette n’est qu’une image de ce qui se passe entre lui et nous. Devant lui, nous sommes des débiteurs incapables de rembourser.
Et pourtant, quand nous les supplions, Dieu ne se contente pas de nous accorder un délai. Il va jusqu’à nous faire grâce, tout cela au nom de l’amour qu’il nous porte. L’Évangile nous dit qu’il est “saisi de pitié”. C’est une expression que nous rencontrons souvent, par exemple quand Jésus se trouve devant un malade, un lépreux, un paralysé ; c’est le cœur qui parle. Le pardon est donné pour permettre un avenir à celui qui n’en a pas d’autres possibles.
Si le Seigneur se comporte ainsi à l’égard des hommes, c’est pour nous apprendre à suivre son exemple à l’égard de ceux qui nous ont fait souffrir. C’est vrai que l’offense d’un frère nous fait mal. Mais elle est bien peu de choses par rapport à tous nos manques envers Dieu. Cent euros, c’est insignifiant par rapport aux soixante millions que je dois. Imiter Jésus, c’est abandonner sa rancune même justifiée, pour qu’elle ne se transforme pas en rancœur, de peur que notre cœur ne devienne “rance”
Aujourd’hui, Jésus nous invite à tendre la main à l’offenseur pour l’aider à se relever. Pardonner, c’est aimer, c’est repartir ensemble sur des nouvelles bases. Dieu est un Père qui aime chacun de ses enfants. Son grand désir, c’est que ses enfants restent unis et solidaires. C’est pour cela qu’il nous a laissé son grand commandement : “Aimez-vous les uns les autres COMME je vous ai aimés” (autant que je vous ai aimés, jusqu’au pardon).
En parlant du pardon, nous n’oublions pas que Jésus nous a donné un sacrement pour l’accueillir. Chaque fois que nous nous adressons au prêtre pour le demander, c’est Jésus qui est là pour nous tendre la main. Il ne demande qu’à nous décharger de nos fautes pour nous rapprocher de Dieu. Il vient renouveler en nous la grâce du baptême. C’est ainsi que nous retrouvons notre place d’enfants de Dieu.
Dans la seconde lecture, saint Paul nous dit que ” nous ne nous appartenons pas à nous-mêmes”. Nous vivons et nous mourrons pour le Seigneur. Avec lui, tout est cadeau : sa miséricorde est source de joie et de paix. Elle nous ouvre à l’espérance d’être aimés pour toujours malgré nos limites et nos péchés. Pour toutes ces merveilles, nous rendons grâce : « Gloire à Dieu, paix aux hommes, joie du ciel sur la terre ». Amen
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« Seigneur, quand mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? » Pierre croit entrer largement dans l’esprit de Jésus en proposant cette mesure généreuse. Mais la réponse de Jésus est sans détours : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois. » C’est-à-dire sans limites !
Le pardon ! Une démarche pas toujours évidente. Tout le monde dira que cela dépend de contexte. Il y a des choses qu’on peut pardonner en un clin d’œil, mais dans de nombreuses situations, il demande un peu de temps !… En effet, franchement, estimez-vous possible de pardonner aux auteurs des crimes abominables ? Pourra-t-on fermer les yeux sur des injustices les plus fragrantes ? Est-ce possible d’oublier sans peine une blessure profonde causée par un proche ? Nous ne sommes pas insensibles !… Quand nous subissons un préjudice, la riposte cinglante est souvent notre première réaction. L’envie de faire payer l’offense nous habite jusqu’à ce que la haine soit assouvie, car rancœur et colère nous sont hélas bien familières. On s’enfonce alors dans un engrenage des fois sans issue. À l’encontre de cette manière d’être, Jésus prône une voie radicale qui nous libère : le pardon !
Pardonner, c’est avoir de l’indulgence envers le fautif. Une attitude noble traduisant la capacité du cœur à renoncer à tirer vengeance d’une offense et à privilégier l’amour sur la revanche. C’est une victoire sur la haine qui nous empoisonne la vie. Le pardon généreux demande courage et volonté mais délivre l’esprit des rancœurs qui le gangrènent. Donné avec bonté, il élargit l’horizon et crée un puissant appel d’air pour laisser entrer la douce lueur de bienveillance. Cela montre la richesse du cœur à surmonter le passé pour rétablir la relation et à ouvrir la porte de l’âme à l’amabilité et à la chaleur humaine ! Le pardon défait les cercles vicieux des représailles sans fin et nous ouvre à l’amour. Il soulage le cœur blessé et baigne l’âme dans l’harmonie avec les proches. Il métamorphose nos relations et transforme notre vie. C’est le premier pas sur le chemin de sérénité et de lumière. Une nécessité pour vivre heureux car la paix dans l’âme n’est possible qu’à ce prix.
Pardonner ne supprime pas toutes les conséquences d’une faute et ne signifie pas renier les blessures du passé. Ce n’est pas excuser la faute mais tendre la main à l’offenseur pour l’aider à se relever et créer ainsi un espace nouveau pour que les uns et les autres puissent repartir ensemble sur des bases nouvelles. Le pardon brise la spirale du mal mais sa pratique n’est pas toujours facile. Car parfois, l’offense est tellement profonde qu’il faut remettre tous les jours cette démarche à neuf. C’est tout le sens de la parabole de l’Évangile d’aujourd’hui. La réprimande du ‘Roi’ envers le serviteur impitoyable est implacable : « Serviteur mauvais ! Je t’avais remis toute cette dette parce que tu m’avais supplié. Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de toi ? »
L’homme ne peut être en harmonie avec Dieu que s’il est en paix avec son prochain. Si nous ne pardonnons pas, notre relation avec Dieu sera entachée ! L’hommage que nous rendons à Dieu ne sera authentique que si notre cœur n’est pas terni par la haine. « Lorsque tu vas présenter ton offrande à l’autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande, là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande. » (Mt 5:23-24)
La réconciliation est sans doute un des principes fondamentaux de la vie chrétienne. Bâtir la paix entre nous et, par voie de conséquence, en nous. Jésus nous incite à jeter d’abord un regard sur nous-mêmes. Qui d’entre nous peut se dire sans tache devant Dieu ? : « Tu regardes la paille dans l’œil de ton frère ; et la poutre qui est dans ton œil, tu ne la remarques pas ? » (Mt 7:3) Personne n’est parfait !… Nous avons tous commis des erreurs durant notre vie et Dieu ne nous en a pas tenu rigueur. Ne soyons pas si habile à déceler les défauts des autres. N’oublions pas qu’on agira de la même manière à notre égard. On nous rendra la monnaie de notre pièce. « Ne jugez pas, pour ne pas être jugés ; de la manière dont vous jugez, vous serez jugés ; de la mesure dont vous mesurez, on vous mesurera. » (Mt 7:1-2)
Nguyễn Thế Cường Jacques
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Seigneur fais de moi un instrument de paix !
Là où il y a la haine, que j’apporte l’amour.
Là où il y a l’offense, que j’apporte le pardon.
Là où il y a la discorde, que j’apporte l’union.
Là où il y a l’erreur, que j’apporte la vérité.
Là où il y a le désespoir, que j’apporte l’espérance.
Là où il y a les ténèbres, que j’apporte ta Lumière
Là où il y a la tristesse, que j’apporte la joie.
Seigneur, que je ne cherche pas tant à être consolé, qu’à consoler ;
A être compris, qu’à comprendre ; à être aimé, qu’à aimer.
Car : c’est en se donnant qu’on reçoit,
C’est en s’oubliant qu’on se trouve,
C’est en pardonnant qu’on est pardonné,
C’est en mourant qu’on ressuscite à la Vie Eternelle.
Amen !
Je suis à deux cents pour cent d’accord avec vos, écrits. Excellente semaine à tous.